« Pourquoi partir faire un Tour du Monde. »
Vous avez 4 heures.
À deux pas de la maison, il y avait une sorte de café dont j’ai oublié le nom. Nous l’appellerons : Coffee-je-sais-pas-quoi.
J’y ai très rarement vu de clients. C’est ce genre de café un peu impersonnel dans lequel ils servent les boissons dans des gobelets en carton : pas notre délire, on n’y est même jamais entré.
Mais il était là. Depuis quelques années.
Il était entre :
– notre maison et la crèche
– notre maison et le centre ville
– notre maison et la gare
– notre maison et le cinéma.
Bref, difficile de le rater. On passait à côté au moindre de nos déplacements.
Il y a quelques mois, ce Coffee-je-ne-ne-sais-pas-quoi a été transformé en Pastas-je-ne-sais-pas-quoi.
Ils ont bâché les vitrines, fait des travaux, débâchés les vitrines et y ont affiché de GROS stickers : des plats de pâtes GEANTS, des banana-split GEANTS, des cocktails GEANTS. Ils ont mis le paquet.
Quelques semaines ont passé.
Simon rentre du travail l’autre jour et je lui dis :
« T’as remarqué comme il n’y a jamais personne dans le « nouveau » Pastas-je-sais-pas-quoi. Mais vraiment jamais! Je ne sais pas combien de temps ils vont pouvoir tenir?! »
Et là, je vois dans son regard qu’il ne me suit pas.
Je reformule, j’explique, je décris, je situe.
Non. Vraiment. Il n’a remarqué aucun changement sur le trajet jusqu’à la maison (il passe devant tous les matins et tous les soirs) : ni aujourd’hui, ni hier, ni la semaine dernière, ni celle d’avant.
Je suis au bord de l’apoplexie.
Mon homme est soit un extraterrestre, soit un magicien. Pour ma santé mentale, je choisis la deuxième option.
« Il n’y aurait que la téléportation qui puisse justifier qu’il n’ait rien vu… » me dis-je.
Il me confirme : il n’a rien vu.
C’est confirmé. Mon homme est un magicien. #coeursquis’échappentdemesyeux.
Mais alors…
« Est-ce que ça vaut vraiment le coup de traverser l’Atlantique, vivre en Amérique du Sud, puis aux îles Fidji et enfin partir vivre en Asie du Sud-Est… quand on n’a pas fini d’explorer son propre quartier?!… »
…
Et c’est un OUI. Justement.
Cette anecdote, comme si on en avait besoin, nous renvoie en plein visage le syndrome métro-boulot-dodo.
On vit. On est heureux. Mais on ne voit pas grand chose. Ça va trop vite. Trop vite pour en profiter si peu.
Nos grands-parents et nos parents nous rappellent que la vie « passe vite ». Nos enfants nous le rappelle chaque année avec le nombre de bougies qu’ils nous réclament sur leur gâteau. Quelle insolence de grandir si vite. On s’en réjouit autant qu’on s’en offusque.
Alors en août, on part.
On part prendre le temps de vivre… autre chose.
On part vivre une autre routine, moins confortable et rassurante, mais qui aura le mérite d’être différente.
On part car notre sédentarité a des airs de robotisation de masse.
On part pour amasser des expériences et des souvenirs.
On part pour ouvrir grand nos yeux et voir.
On part parce qu’ici on ne voit plus ce qu’il y a au bout de notre nez.
On part voir ce qu’il se passe au bout du nez des autres.
On part.
Et je pressens que ces petits « Pastas-je-sais-quoi » qu’on ne voit plus chez nous, deviendrons nos repères dans un petit quartier d’une ville trop grande.
« Si, si, on était passé par là, c’est sûr, je me souviens de cet boutique de Nachos-je-sais-pas-quoi »
Et quand on aura retrouvé la vue… promis, on rentre.