Chère ville de Nadi (Îles Fidji), on ne t’a pas vue encore… mais on n’a pas rien n’a dire ! 
(mais quel humour)


Il y a deux mois et demi environ, nous quittions le sol Français pour notre Tour du Monde. Un Grand Voyage de 10 mois… (ça c’est pour la partie qui fait rêver) mais surtout un long voyage d’Amiens (en France!) jusqu’à Buenos Aires, en Argentine.  

Nous avons longtemps attendu ce Grand Voyage mais aussi redouté ce long trajet jusqu’à notre première destination.  

Au programme : un peu de voiture, un peu de train, un peu d’attente, un peu 13h de vol (de nuit… merci la vie), un peu de bus et un peu de marche à pied jusqu’à notre logement. De quoi avoir des sueurs froides, avec 3 enfants de 18 mois à 6 ans. 

Et puis ce qui devait arriver… arriva : l’insurmontable a été surmonté, non sans fatigue et non sans fierté. Pfiou, we did it… sans heurts et sans pleurs (ni pour les petits, ni pour les grands). 

Cela allait nous prendre 23h porte-à-porte.

Et puis, comme un malheur n’arrive jamais seul (mouhaha), il y de 2 jours ou 3, (ou 4 ? quel jour on est, déjà ?!) nous avons dû signer à nouveau pour un autre « long voyage ». Au programme cette fois-ci, quitter Buenos Aires pour rejoindre Nadi, aux Îles Fidji. Pour vous aussi, c’est une destination qui fait rêver ? 

On s’était toujours dit que cette parenthèse serait nos « VACANCES dans le Grand Voyage ». Nous avions compris avant de partir, que toute cette aventure… malgré les apparences… ne seraient pas exactement des « vacances » (oh que non…) et que faire une pause serait apprécié.

Pour rejoindre notre havre de paix Fidjien donc, nous avions au menu :


1. Libérer notre logement de Buenos Aires à 9h00 du matin (de la douzaine de logements que nous avons occupés, c’est la première fois que nous avons dû partir si tôt… non négociable… évidemment)


2. S’occuper TOUTE la journée (et ça n’est pas une expression : donc prier pour qu’il ne pleuve pas TOUTE la journée)

3. Se rendre à l’aéroport dans la soirée pour un décollage à 23h45 (je vous avais dit qu’il fallait s’occuper TOUTE la journée)

4. Embarquer pour 13h de vol (de nuit à nouveau, ô joie)

5. Faire une escale de 4h à Auckland, en Nouvelle Zélande (fastoche…)


6. Embarquer à nouveau pour 3h de vol pour notre destination finale : Nadi.


7. Trouver un moyen de locomotion pour rejoindre notre logement (que nous avions volontairement pris près de l’aéroport, malin le lynx)

Ce qui est magique avec un programme pareil, c’est que finalement, le Voyage Amiens-Buenos Aires de mi-août a soudainement été déclassé. Initialement positionné au Niveau 7 sur l’échelle de Richter-la-galère-en-voyage, il est redescendu au niveau 4. Comme quoi, toute difficulté est relative.


Alors le vendredi 1er novembre donc, nous avons entamé notre croisade jusqu’à Nadi. À 9h00, nous voilà avec nos 3 loups dehors pour une douzaine d’heures avant d’aller à l’aéroport. Le temps a été relativement clément même si le soleil était absent des radars de contrôle. Nous avons tué le temps au parc d’enfants (et pas l’inverse, gloups… l’humour noir, c’est quelque chose !), au Musée des Beaux Arts, au restaurant et au Musée des Enfants. 

À 20h, ouf… mission accomplie : il était l’heure de nous prendre un orage sur la tête (!)… avant de nous rendre à l’aéroport. Heureusement, il a été aussi puissant que bref et le ciel de Buenos Aires, déchiré par des éclairs magnifiques et un grondement caverneux, n’a laissé s’échapper qu’une brève averse.  

Je vous passe la demi-heure de trajet en bus pour l’aéroport, dans lequel les Grands se sont endormis, et les formalités d’usage à l’aéroport.

Embarquement « immédiat » : après nos 15h à zoner. Ça, c’est fait.

Le vol s’est bien passé, dommage que les enfants n’ont pas vu le dîner à 2h du matin. (Ils ont bien profité du petit déjeuner en revanche…). Ils ont bien dormi. Apolline et Lysandre se sont imbriqués sur 3 sièges. Ulysse a trouvé berceau dans les bras de son papa. Quant à nous… euh… bah, quelques heures et minutes par ci, par là.

Ne tenant plus la position assise, j’ai tenté un « glissé-couché » aux pieds des 3 sièges des enfants. Il ne faut pas être claustrophobe mais quel bonheur, d’avoir le dos et la tête alignés, en position allongée. Je ferme les yeux et savoure l’instant… si je pouvais dormir, ne serait-ce qu’une demi-h….

“I’m sorry Miss, but you can’t stay there. It is not allowed… for your safety, you must sit on your seat”.

Bref, je me suis faite rattraper par la patrouille…  même habillée en noir dans cette cabine toute sombre, mon effet caméléon ne m’a pas permise de grappiller quelques minutes de repos salvateur.

Je meurs d’envie de faire la morte (mais quelque chose me dit qu’elle ne va pas me laisser pour autant…), je meurs d’envie de lui dire : « I’m sorry, I don’t speak English ». 

Mon visage a dû trahir mon dépit, voire mon agacement. Elle s’est sentie obligée de répéter :
“It is for your safety, Miss”. 

Pour ma sécurité?! Ah oui ? Vraiment ?!

Et bah, pour la « safety » de mes kids, il vaudrait mieux me laisser sleeping un moment… If you see ce que je veux dire M’dame l’Hôtesse.

(bref, j’ai dû m’assoir sur mon idée lumineuse et sur mon sombre siège par la même occasion)

Nous avons été libérés de notre prison volante à 13h, heure de Buenos Aires. Bon, à Auckland, il était 5h du matin… et c’est reparti pour un tour… (j’ai l’impression d’avoir déjà vécu ce moment…) 

Nous voilà là pour 4h d’attente dans cette petite zone de transit où certains d’entre nous ont pris plaisir à prendre une petite douche pour se phaser (essayer au moins) ou à jouer dans les installations de Macdo. (qui a dit que Macdo était un concept à bannir de la surface de la Terre ?!)

Puis, notre deuxième vol s’est également bien passé avec un repas/sieste pour certains et un repas/visionnage de film (et autre dessins animés) pour d’autres.

Arrivés à Nadi (YES !) 3h plus tard ! Sur ma montre, il est environ 20h (heure de Buenos Aires). Ça fait plus de 35h qu’on a quitté notre lit… 

Et ici ?! Il est midi, et c’est Fidji Time!

Plus qu’un décompte horaire, c’est une philosophie de vie : pas trop vite au début et pas d’empressement ensuite. 

On y est presque, dans un rien de temps, nous aurons un lit sur lequel nous laisser tomber comme des voyageurs enfin arrivés à destination, mais aussi comme des parents ayant relevé le challenge d’amener tout le monde à bon port, sans encombre. 

PREM’S ! Je visualise ce moment tant attendu : me présenter dos au lit puis perdre l’équilibre et enfin sentir le poids de mon corps fatigué sur ce matelas en forme (lui!)… les bras en croix tel Le Christ Rédempteur (oui, oui, je prendrai toute la place… chacun son tour, j’ai dit PREM’S)

Nous décidons de prendre un taxi, suite à une mini-contrariété pour Lysandre, qui se met à fondre en larmes et pleurer inconsolablement sa fatigue.

Deux kilomètres plus tard, nous voici arrivés au logement que nous avons choisi pour 3 raisons.

  • Sa proximité de l’aéroport (2 bornes, ça pouvait se faire à pied)
  • C’est un logement entier et ça ne court pas les rues aux Iles Fidji (nous souhaitons nous remettre du voyage et du décalage horaire sans avoir à vivre chez quelqu’un)
  • Il y a un extérieur pour occuper nos premières journées de récup avec les enfants (ça a besoin de bouger ces petites bêtes là)
  • Malus : pas de wifi… (ça ne court pas les rues non plus ici)

Nous descendons du taxi pour prendre possession des lieux. Les propriétaires sont dans la maison collée à la nôtre, juste derrière.

Je ne rêve que d’une chose : qu’on nous montre tout ça et qu’on nous laisse tranquille pour nous reposer un peu. J’ai la primeur de la visite, Simon termine de gérer le paiement du taxi et les valises. Les enfants me suivent, à petits pas.

On m’ouvre les portes de la maison, et là … 



Je suis SEULE face à… RIEN.
Je me sens un rien seule.

Comment ça « rien » ?!

Bah, RIEN. Un logement vide. Deux pièces. Aucun meuble.

Il y a un évier et son plan de travail, une douche, des toilettes, un lavabo, une pièce pour manger (enfin, j’imagine… y’a rien) et une chambre (enfin, j’imagine… y’a rien… et surtout PAS DE LIT).

Je me décompose.

Je fais remarquer le problème (des fois que ma fatigue me fasse halluciner…).

« Yes, yes, don’t worry »… me dit Prianka, la jeune femme qui nous accueille. 

Euh… si, si, je m’inquiète. Je suis à 2 doigts de faire une crise de nerf, à un doigt de pleurer et une phalange de partir en courant.

Je me reprends.

Je ne lui raconte pas que ça fait bientôt 40 heures qu’on n’a pas vu un lit parce qu’on arrive de Buenos Aires (c’est un problème de « riche » ça, ce serait déplacé ?!) et que je suis sur le point de m’effondrer de désespoir (sur le carrelage… puisqu’il n’y que ça).

Elle m’explique qu’ils ont récupéré les clés hier et qu’ils ont fait du ménage mais qu’ils vont tout installer et que ça va aller et que…

Simon arrive. Découvre la scène (c’est vite fait du coup). Il est abasourdi et livide, aussi stupéfait que défait. On se demande s’il faut trouver un autre toit mais comme on n’a plus d’énergie et pas de connexion internet, on n’a pas d’autre choix que de croire en ce qu’ils viennent de dire.

Les enfants sont comme nous, muets et dubitatifs. Puis, Apolline me résume ce qu’elle a compris de la scène. Elle a tout compris. On se pose sur la marche de la terrasse.

Et là, c’est un moment qui restera gravé dans nos mémoires.

Prianka, sa sœur et leurs parents équipent la maison de A à Z (ou plutôt de A à T) en moins de 15 minutes. Forcément, quand on n’est pas encombré par les affres de la société de consommation, les déménagements sont moins douloureux… surtout à coup de « don’t worry ».

Un matelas arrive (je leur dirais bien qu’on en a assez, mais je sais que ça n’est pas raisonnable), le cadre du lit suit, puis des oreillers, des draps, 2 casseroles, quelques assiettes, une plaque de cuisson avec 2 brûleurs, une bonbonne de gaz, une table, 3 chaises, des serviettes de toilette… une paire de rideaux (!), une table de chevet… 4 tasses… un tapis de toilettes (!)… etc. (mais très peu de etc. en fait)

On réclame ce qu’il manque, ils repartent dans leur maison et nous le rapporte. C’est incroyable. 

4 fourchettes, 4 couteaux, 1 chaise supplémentaire (4 c’est mieux que 3… mais moins bien que 5… on jouera aux chaises musicales au moment des repas et puis c’est tout !)

Lorsque nous étions au cœur de ce moment de désespérance, autant que de doute sur notre capacité à encaisser une galère pareille après un voyage pareil… je rêvais du moment où nous pourrions en rire.

Il semble qu’on en soit proche. Quel épisode sorti de la 4ème dimension… C’en était presque magique… ce déménagement express.

J’espère que bientôt nous pourrons rire du fait que : 

  • le premier « supermarché » est à 20 minutes à pied le long d’une route très désagréable à fréquenter
  • il n’y avait plus de pain lorsque nous y sommes allés courageusement hier après notre « installation »
  • ils ne prenaient pas la carte bleue en dessous de 100 dollars
  • il y a 3 fruits et légumes qui se battent en duel
  • la chaleur est paralysante (presque autant que la fatigue qu’il nous reste)
  • NOUS N’AVONS PAS DE FRIGO.

Pas exactement ce dont j’avais rêvé pour le début de nos vacances aux Fidji… 

Vivement que l’on puisse apprécier le côté carte postale !

05.11.2019